Mois : mars 2021

Un si petit oiseau – Marie Pavlenko

« Un si petit oiseau, c’est le seul livre où, quand je viens le finir, j’ai tout de suite envie de relire. » C’est ce que m’a déclaré ma miss avant d’ajouter, pour la millième fois : « tu devrais trop le lire. »

J’ai d’abord lu, pourtant, Et le désert disparaîtra (il faudra que je vous en parle, d’ailleurs…). Et puis, Je suis ton soleil, le seul livre qui a su me faire rire et pleurer en même temps.

Mais celui-ci, Un si petit oiseau, je le gardais « pour plus tard. » Comme un petit trésor pour les jours difficiles, peut-être. Parce qu’une fois que je l’aurais lu, est-ce que j’aurais encore autre chose à découvrir d’aussi sensible, drôle, vrai ?

Mais j’avais toujours en tête le conseil de ma miss. Et, finalement, il y a deux mois, alors que j’avais du mal à lire (trop de fatigue, de soucis, de préoccupations), je le lui ai emprunté.

Je l’ai dévoré d’un coup, bien sûr.

Elle m’avait prévenu : « tu verras, ça commence mal, mais ça s’arrange après. » Et c’est vrai que pour Abigail, ça commence vraiment mal : un accident de voiture, soudain, et elle perd son bras.

L’hôpital, la rééducation… Marie Pavlenko ne nous raconte pas. On (re)commence avec Abi à son retour à la maison. Une nouvelle maison ; pour lui épargner le retour dans son ancien quartier, lui offrir une nouvelle vie, ses parents ont déménagé. Abi a tout à réapprendre… Mais comment pourrait-elle reprendre sa vie d’étudiante, ses sorties, avec ce bras en moins, la douleur, le regard des autres, les médicaments qui embrument le cerveau ? Alors que chaque geste de la vie quotidienne est difficile ?

Marie Pavlenko nous emmène au plus vrai de cette histoire, de ces personnages. Dans le quotidien qui paraît ordinaire mais où tout ce qui est important se passe vraiment.

Avec Abi, elle nous amène à changer de regard. Sur Abi, sur ce handicap et sur ce qu’il veut dire. Sur ceux qui l’entourent : sa mère, toujours attentive, sa sœur, qui doit apprendre aussi à vivre avec « ça », son père qui plaisante sur tout, sa tante excentrique aux idées frappadingues…

Apprendre à ouvrir son regard au monde, aux autres, à la vie.

Comme un immense bol d’oxygène (et ça fait du bien, en ce moment, l’oxygène…).

Ma miss de 13 ans adore ce livre depuis qu’elle l’a découvert, à Noël, peu après ses 12 ans. Une de mes amies d’un peu plus de 60 ans est en train de le lire et se régale aussi (elle a un peu triché pour aller voir si, à la fin… mais chut, je dis rien !). Et moi, du haut de mes 40 et quelques années… vous l’aurez deviné, j’ai adoré aussi. 😉

Marie Pavlenko a un regard juste et sensible, qui parle à tout le monde. Comme dit mon amie « c’est marqué que c’est un livre pour les ados mais c’est un livre pour tout le monde, en fait. »

Si Marie Pavlenko a un regard si juste, c’est aussi que le sujet la touche (bien qu’elle ait ses deux bras), elle le raconte à la fin (la partie que ma miss préfère !).

C’est un livre qui parle du handicap, un peu, des gens, surtout, de la vie, de la littérature, de l’amour entre les gens et de la nature dont la beauté, avec l’amour, guérit peut-être de tout…

Marie Pavlenko raconte son livre (sans raconter) en cinq mots, et c’est encore une fois merveilleux et pertinent, avant, pendant ou après avoir lu le livre.

Et, sur le site de l’éditeur, le lien pour feuilleter et découvrir les premières pages…

La Médecin – Karine Lacombe, Fiamma Luzzati

Faut-il parler (encore) du coronavirus ?

J’ai lu cette BD il y a quelques temps, pas chroniqué tout de suite, et je me suis posé la question. On en parle tellement, du coronavirus… depuis un an, la pandémie rythme notre vie, envahit les nouvelles, et nous contraint (beaucoup)…

Alors, reparler de ce qui s’est passé il y a un an, de ce qui est devenu « la première vague », est-ce vraiment nécessaire ?

Je crois que oui.

Justement parce qu’on s’est tellement habitué. La Covid (on a même appris à dire la Covid), pour nous, c’est le masque qui nous embête, le couvre-feu, le confinement/déconfinement/reconfinement, les cinémas fermés, les commerces où on n’entre plus comme avant… On a un peu oublié ce(ux) à quoi (à qui) on pensait il y a un an : les malades, et les soignants qui se dévouaient, et qu’on applaudissait aux fenêtres…

Fiamma Luzzati est auteur BD. Karine Lacombe est infectiologue, soudainement devenue célèbre au moment de la pandémie. Cette BD, écrite ensemble, nous plonge dans la vie à l’hôpital au temps du coronavirus, auprès des médecins, mais aussi des infirmières, psychologues, voisins, et puis des patients, à travers le personnage fictif de Livia…

On (re)découvre à quel point tout le monde a été pris de court par ce virus auquel personne ne voulait croire… Il y a un an, quand on bavardait tranquillement de l’épidémie près de la machine à café, sans porter de masque…

Vous vous rappelez ? Ça paraît tellement surréaliste maintenant…

On redécouvre aussi l’arrivée de la maladie dans les urgences, ou plutôt on la découvre parce que, tranquillement confinés chez nous (et je pèse mes mots, même si mon « confinement tranquille » a été marqué par la maladie) on n’a pas vraiment mesuré ce que vivaient les soignants…

Alors, c’est un récit au jour le jour, un récit témoignage, avec un dessin sobre qui ne cherche pas à « faire joli » mais qui nous raconte, tout simplement.

Un récit qui met aussi en scène ce qui était précieux dans cette période et qu’on a aussi un peu oublié : la solidarité, l’humanité, l’attention aux autres… et le dévouement de tous ceux qui faisaient face, et le font encore, à l’hôpital.

Qui nous rappelle aussi que ce virus est complexe, retors, et tout sauf anodin…

Il se lit d’une traite, et laisse cette impression étrange d’avoir à la fois retrouvé des événements connus et de les découvrir pour la première fois.

Les auteurs ont accompagné la sortie du livre (au moment de la deuxième vague) par un blog, alternant les mots sensibles de Karine Lacombe et les dessins (extraits de la BD ou inédits) de Fiamma Luzzati – la dessinatrice poursuit aussi son travail autour du coronavirus sur son propre blog.

On peut ainsi lire d’un côté un beau témoignage sur « le Covid long » par Karine Lacombe, daté du 1er décembre. Et de l’autre, en écho, cet autre témoignage en BD, sur le blog de Fiamma Luzzati. Parlent-elles de la même personne ? Peut-être. Là encore, les regards des deux femmes se complètent, avec une même humanité, une même attention à l’autre…

Comme l’épidémie, leur travail à chacune se poursuit…