Mois : janvier 2022

Jours sans faim – Delphine de Vigan

C’est l’histoire d’une guérison. Elle commence au plus mal, au plus fort de cette étrange maladie qui empêche de manger, jusqu’à en mourir : l’anorexie.

Delphine de Vigan l’a vécue. Elle le raconte dans ce qui a été son premier livre – publié sous un autre nom, à l’époque. Elle le raconte à la troisième personne du singulier. C’est donc l’histoire de Laure, qui n’est pas tout à fait Delphine de Vigan, tout en étant, peut-être, complètement elle…

Elle le raconte dans ce livre publié aujourd’hui sous son vrai nom, et en le lisant avec sa voix. Elle a cheminé, et ce livre a une histoire, que l’on peut découvrir dans une interview touchante, à la fin…

Mais pour l’instant, l’histoire commence avec une jeune femme qui n’arrive plus à se réchauffer, qui ne sait plus si elle a envie de vivre, et un médecin qui, pour la première fois, sait trouver des mots pour la comprendre…

« C’est à cause du froid qu’elle a accepté le rendez-vous. La première fois, quand il l’a appelée. Une voix inconnue, nasillarde, lui proposait de l’aide… »

Dans ce premier roman, on retrouve toute la sensibilité, toute la personnalité de la plume de Delphine de Vigan – que j’avais tellement aimée dans Rien ne s’oppose à la nuit.

Et on se laisse embarquer par sa voix, une voix qu’on écoute et qu’on ne peut plus lâcher. Une voix qui donne vie à ces jours d’hôpital, à ces voisines de chambre sympathiques, drôles ou terribles (ah, la voisine au peignoir… tout un festival !).

C’est un livre qui nous fait vivre de l’intérieur l’anorexie, avec les sentiments, les sensations, le côté médical… et aussi, toute cette vie qu’on aperçoit à la marge de l’hôpital : la famille qui déglingue, la solitude, le vertige de la tentation de replonger dans ce sentiment de liberté qu’apportait la maladie…

Je n’ai pas connu cette maladie personnellement, même si je me souviens d’une amie, quand nous étions étudiante, trop maigre, avec de trop grands yeux, dont on n’avait compris le malaise que le jour où elle avait été hospitalisée… Depuis, j’ai lu sur le sujet, j’ai regardé des documentaires… Ce livre-ci est particulièrement juste.

Delphine de Vigan sait trouver les mots. Qu’un écrivain puisse nous emmener sur ce chemin-là, c’est un cadeau unique pour comprendre un peu mieux. C’est ainsi que ce livre a eu toute une vie déjà, permettant de toucher parents, médecins, proches… pour mieux faire connaître la maladie.

Mais, au delà, ce récit de détresse et de vie qui revient peut tous nous toucher, quelle que soit notre histoire…

Un très beau texte, et un grand coup de cœur…

Pour écouter un extrait, c’est ici, sur le site de l’éditeur.

Et dans Bookmakers, le podcast d’Arte, une plongée dans l’univers de l’écrivain au travail… en trois épisodes.

Janvier féministe #1 – Les Grandes Oubliées, de Titiou Lecoq

Hasard ou coïncidence… mes premières lectures de cette année sont assez féministes ! Pas tout à fait le hasard, en fait, parce que d’abord, c’est une tendance forte en librairie, et aussi parce que ces livres m’ont été recommandés par des amies…

Féministe, moi ? Peut-être… il faut dire que j’ai exercé plusieurs métiers, mais en commençant par des études scientifiques (avec beaucoup de garçons) et des métiers « dits masculins » – avec leur lot de réflexions de collègues du type « normalement, les filles ne font pas d’informatique… mais toi, c’est pas pareil » – euh… mais que voulait-il dire par là ??? En même temps, avec aussi beaucoup de camaraderie, d’entraide, de belles rencontres et beaucoup de témoignages du type « j’étais contre les femmes dans l’armée mais elles m’ont fait changer d’avis » (oui, ma vie est un roman…).

Bref, c’est un sujet qui m’a toujours beaucoup intéressée…

Il n’est donc pas surprenant que l’une de mes copines bibliothécaires (un monde avec beaucoup de filles, pour le coup) m’ait conseillé Les Grandes Oubliées, pourquoi l’Histoire a effacé les femmes.

Je l’ai lu… deux fois (on ne se moque pas de mon cerveau défaillant le soir, qui ne me faisait confondre toutes les époques après la première lecture… alors que ce livre se lit comme un roman !). Et ce livre est plein de choses complètement passionnantes.

Titiou Lecoq nous entraîne ainsi depuis la préhistoire et jusqu’à aujourd’hui, pour découvrir l’Histoire côté femmes. Et découvrir en quoi notre vision de l’Histoire est empreinte de stéréotypes, de réécritures…

Par exemple, vous avez déjà entendu, vous aussi, des « experts » expliquer que les femmes n’ont pas le sens de l’orientation, contrairement aux hommes, parce qu’elles restaient dans la grotte pendant la préhistoire ? … j’ai lu ça dans Les hommes viennent de Mars, et j’avoue que ça m’avait pas mal agacée – du coup, j’en étais restée là de ma lecture. Eh bien, cette histoire de femme qui reste dans sa grotte, c’est n’importe quoi (en même temps, on se demande ce qu’elle y aurait fait, toute la journée… le ménage et la poussière ?). Non seulement les femmes faisaient des kilomètres pour la cueillette, mais elles participaient aussi à la chasse – pas partout de la même manière parce que, autre stéréotype qui tombe, il n’y a pas eu une culture partout dans le monde durant toute la préhistoire…

Autre exemple, le Moyen-Âge. On découvre que les femmes y faisaient tous les métiers, et qu’il y avait donc des mots pour ces métiers, comme le mot autrice – moi qui croyais que c’était un néologisme, auquel j’étais un peu allergique… Titiou Lecoq m’a réconcilié avec ce mot.

On découvre surtout que l’Histoire des femmes n’a pas été linéaire… des périodes « de renfermement » succèdent aux périodes « d’ouverture », et le modèle qu’on a tous en tête comme existant depuis la nuit des temps (un partage des tâches où l’homme travaille à l’extérieur et la femme assume les tâches domestiques et l’éducation des enfants) ne date en fait que du XIXème siècle.

Et c’est au XIXème siècle qu’on commence à étudier la préhistoire, en y projetant sa vision du monde… d’où la femme qui fait le ménage dans la grotte (la boucle est bouclée 😉 ).

J’ai tout de même une réserve. Comme dans beaucoup de livres sur le sujet, l’autrice (oui oui, mot adopté !) regarde tout à travers le prisme de la place des hommes et des femmes – un prisme qui ne rend pas toujours compte de la complexité du monde. Qu’un couple fasse une déclaration d’impôt commune, j’ai toujours vécu ça comme le fait de faire partie d’une équipe, pas comme une discrimination (si le salaire de la femme est souvent inférieur à celui de son mari, les dépenses sont assumées en commun aussi…). On pourrait s’interroger sur l’existence et la reconnaissance de chacun dans la famille… mais ça demande un autre prisme. 😉

Même si je n’étais pas d’accord avec tout, c’est un livre qui fait se poser des questions, qui remet en cause des acquis… un livre très bien écrit, plein d’humour, où les chapitres s’enchaînent, qui assume son côté militant. Une bonne manière de commencer l’année !

2022

En 2022, je vous souhaite…

… de rire aux éclats,

… de ramasser des petits cailloux,

… de suivre des chemins plein de découvertes, qui ne finissent jamais,

… de rêver en grand,

… d’espérer en encore plus grand,

… de partager les petites choses, et les moins petites,

… de vous émerveiller de ce qui est (vraiment) beau et ne s’achète pas,

… de chanter sous la pluie (sans trop vous mouiller, quand même),

… de trouver des trésors qui ne meurent jamais,

… de vous réchauffer aux rencontres qui remplissent le cœur,

… de grandir chaque jour un peu plus,

… de faire grandir la lumière partout, toujours.

Douce année 2022.

Pour bien commencer l’année, un petit coloriage pour vous, de ma première illustration de l’année…

Cliquer ici ou sur l’image pour télécharger le coloriage.