Mois : février 2022

Annie au milieu – Émilie Chazerand

Soyons honnête : j’ai lu ce roman sur un malentendu. Je m’attendais à quelque chose de très léger, très fantaisiste (un peu comme un livre de Clémentine Beauvais…). La faute à la bande-annonce, à l’éditeur… à des a priori, peut-être. Un auteur qui écrit un livre autour du handicap, c’est forcément pour dire que c’est tout léger, facile, pas comme on croit, un nuage de Barbapapa garni de fraises Tagada (au moins).

Alors que Annie au milieu, c’est sans doute le contraire : le roman anti-préjugés. Le roman vrai-de-vrai, promis-juré-craché. Le roman de la vraie vie, en fait.

Il y a donc Harold, Annie, Selma, Jérôme et Solange. Harold a 18 ans, il cuisine tout le temps et il cache ses problèmes à ses parents. Selma a 15 ans, elle dessine tout le temps et vit comme si elle était invisible. Au milieu, il y a Annie. Annie a 17 ans, elle est trisomique, elle adore les majorettes et elle dit : « la vie de Annie Deroschelles, c’est la perfection ». Et puis, il y a Jérôme et Solange, les parents, qui font ce qu’ils peuvent, des blagues pourries (pour Jérôme) et tout un tas de choses pour sa famille, qui font qu’elle a renoncé à son travail (pour Solange).

Tout ce petit monde vit ensemble comme il peut, et Annie est leur soleil. Parce que voilà, la trisomie d’Annie, ça change tout pour rendre la vie compliquée, et ça met aussi du soleil partout. Parce que justement, rien n’est simple, et sûrement pas cette différence qui donne un autre regard sur la vie, mais aussi plein de choses auxquelles il faut faire attention (les problèmes cardiaques, les examens multiples…).

L’incident qui va mettre leurs vies sans dessus-dessous – ou bien tout remettre encore plus beau – c’est un concours de majorettes. Annie est dans un club de majorettes, elle adore ça, comme elle aime Dalida et les tenues à paillettes. Seulement, quelqu’un comme Annie dans un club de majorettes, ça met un peu le bazar dans la chorégraphie hyper pro que veut monter leur entraîneuse pour le grand événement du printemps. Alors, elle demande qu’Annie ne revienne plus.

Pour Selma, Harold, Jérôme, Solange et l’incroyable Mamie Marie-Claire (elle, je vous laisse découvrir), ce n’est juste pas possible. Alors, ensemble, il va falloir qu’ils trouvent une solution…

J’ai beaucoup aimé ce livre. J’ai aimé qu’il soit raconté à trois voix : Selma, Annie, Harold – raconter le monde à travers les yeux d’Annie, tout en faisant complètement exister son frère et sa sœur, quelle réussite merveilleuse !

J’ai aimé qu’il soit complexe et pas Barbapapa, tout en se lisant comme le livre le plus facile à lire qui soit : complexe dans les sentiments, la réalité, pas dans l’écriture.

J’ai aimé qu’il soit réaliste tout en étant farfelu/déjanté, qu’il y ait une superette asiatique, un club de majorettes, une poule et Dalida.

Qu’il soit drôle sans être léger.

Qu’il soit si unique, en fait.

L’éditeur a fait une bande-annonce super, qui fait envie (et même, qui fait regretter de ne pas pouvoir voir le film). Mais je ne vous la mettrai pas – elle laisse imaginer un autre livre, qui aurait été bien aussi, mais qui n’aurait pas été celui-là.

Découvrez plutôt celui-là. Et puis, vous me direz.

Ma miss de 14 ans a adoré, elle qui aime les histoires qui parlent de la réalité, et aussi les histoires écrites avec fantaisie.

On vous le conseille toutes les deux.

Janvier féministe #2 – Le féminisme, par Anne-Charlotte Husson, Thomas Mathieu

Alors oui, je sais, nous sommes en février, alors « Janvier féministe »… mais euh, ma thématique de janvier, j’aurais envie de la continuer un peu… alors, par la magie des « on dirait que », commençons par « on dirait que le janvier féministe pourrait aussi se faire en février… » (pouvoir de l’imagination)

Cette deuxième lecture féministe de janvier, c’est ma fille qui me l’a faite découvrir… c’est le cadeau d’une de ses amies qui est la fille d’une de mes amies… une histoire filles (et d’amatrices de BD).

A priori positif immédiat, parce que c’est un tome de l’excellente collection La Petite Bédéthèque des Savoirs, dont le seul défaut est d’être dans un format vraiment petit (les illustrations mériteraient de plus grandes pages !). Le féminisme est l’un de leurs plus grands succès (signe des temps, comme je le disais en chroniquant ma lecture précédente…).

Ici, on ne va pas nous parler du féminisme mais plutôt des féminismes. Parce que loin d’être un mouvement uniforme, on a plutôt une mosaïque de mouvements, différents et parfois irréconciliables… Petit extrait, pour comprendre tout ça…

Petite remarque de forme : pour le coup, ce titre de la collection est totalement adapté à son format… très lisible, on plonge tout de suite dedans. Le dessinateur a vraiment fait un très beau travail pour rendre toutes les notions claires et visuelles…

Comme l’expliquent très bien les premières pages, on va découvrir les féminismes à travers des slogans… chacun permettant de découvrir un personnage, une idée, un mouvement… à travers les siècles, en en commençant par une féministe célèbre, Olympe de Gouges (rappelez-moi de lire sa biographie en BD par Catel, elle a l’air tellement super…).

(ma fille est fan de cette manière de la représenter qui défend ses convictions
même après la guillotine ! 😛 )

J’aurais pu vous mettre aussi « le privé est politique » ou « ne me libère pas, je m’en charge »… ou encore « White woman listen ! »

Tous les sujets sont abordés : féminicide, IVG, intersectionnalité… c’est donc un livre pour adultes ou pour grands ados qui ont envie de réfléchir. Il peut être une formidable ouverture pour un dialogue, même si (et peut-être surtout si) on ne se retrouve pas dans tous ces mouvements féministes.

Parce que c’est la diversité qui fait la richesse de cette petite BD, à mon sens – présentée d’entrée, elle laisse à chacun la possibilité de se faire ses propres opinions. Même si les auteurs ne restent pas sur la réserve – la notion de « continuité de genres et de sexualités » est ainsi présentée comme une évidence alors que pour ce sujet ô combien délicat, j’aurais préféré que le livre ouvre davantage à un échange, une réflexion (personnelle ou, plutôt, collective).

Quoi qu’il en soit, on sent bien combien ce sujet brûlant doit être abordé, pour lutter contre tous les préjugés, les haines, les discriminations et les petites et grandes humiliations ordinaires…

Comme le dit si bien une petite publication du Goethe Institut, parue elle aussi ces derniers jours… « Nein zu Diskriminierungen ! »

(petite dédicace à ma miss qui parle si bien allemand… mais les non germanistes auront décodé : non aux discriminations !)

Pour poursuivre, ou faire naître le dialogue, l’éditeur propose une exposition qui reprend des slogans et planches de la BD et finit par deux grandes pages à compléter avec ses propres idées… et vous pourrez aussi y découvrir les premières pages de la BD, et avoir (forcément) envie d’en lire plus !