Étiquette : Livre ado

Annie au milieu – Émilie Chazerand

Soyons honnête : j’ai lu ce roman sur un malentendu. Je m’attendais à quelque chose de très léger, très fantaisiste (un peu comme un livre de Clémentine Beauvais…). La faute à la bande-annonce, à l’éditeur… à des a priori, peut-être. Un auteur qui écrit un livre autour du handicap, c’est forcément pour dire que c’est tout léger, facile, pas comme on croit, un nuage de Barbapapa garni de fraises Tagada (au moins).

Alors que Annie au milieu, c’est sans doute le contraire : le roman anti-préjugés. Le roman vrai-de-vrai, promis-juré-craché. Le roman de la vraie vie, en fait.

Il y a donc Harold, Annie, Selma, Jérôme et Solange. Harold a 18 ans, il cuisine tout le temps et il cache ses problèmes à ses parents. Selma a 15 ans, elle dessine tout le temps et vit comme si elle était invisible. Au milieu, il y a Annie. Annie a 17 ans, elle est trisomique, elle adore les majorettes et elle dit : « la vie de Annie Deroschelles, c’est la perfection ». Et puis, il y a Jérôme et Solange, les parents, qui font ce qu’ils peuvent, des blagues pourries (pour Jérôme) et tout un tas de choses pour sa famille, qui font qu’elle a renoncé à son travail (pour Solange).

Tout ce petit monde vit ensemble comme il peut, et Annie est leur soleil. Parce que voilà, la trisomie d’Annie, ça change tout pour rendre la vie compliquée, et ça met aussi du soleil partout. Parce que justement, rien n’est simple, et sûrement pas cette différence qui donne un autre regard sur la vie, mais aussi plein de choses auxquelles il faut faire attention (les problèmes cardiaques, les examens multiples…).

L’incident qui va mettre leurs vies sans dessus-dessous – ou bien tout remettre encore plus beau – c’est un concours de majorettes. Annie est dans un club de majorettes, elle adore ça, comme elle aime Dalida et les tenues à paillettes. Seulement, quelqu’un comme Annie dans un club de majorettes, ça met un peu le bazar dans la chorégraphie hyper pro que veut monter leur entraîneuse pour le grand événement du printemps. Alors, elle demande qu’Annie ne revienne plus.

Pour Selma, Harold, Jérôme, Solange et l’incroyable Mamie Marie-Claire (elle, je vous laisse découvrir), ce n’est juste pas possible. Alors, ensemble, il va falloir qu’ils trouvent une solution…

J’ai beaucoup aimé ce livre. J’ai aimé qu’il soit raconté à trois voix : Selma, Annie, Harold – raconter le monde à travers les yeux d’Annie, tout en faisant complètement exister son frère et sa sœur, quelle réussite merveilleuse !

J’ai aimé qu’il soit complexe et pas Barbapapa, tout en se lisant comme le livre le plus facile à lire qui soit : complexe dans les sentiments, la réalité, pas dans l’écriture.

J’ai aimé qu’il soit réaliste tout en étant farfelu/déjanté, qu’il y ait une superette asiatique, un club de majorettes, une poule et Dalida.

Qu’il soit drôle sans être léger.

Qu’il soit si unique, en fait.

L’éditeur a fait une bande-annonce super, qui fait envie (et même, qui fait regretter de ne pas pouvoir voir le film). Mais je ne vous la mettrai pas – elle laisse imaginer un autre livre, qui aurait été bien aussi, mais qui n’aurait pas été celui-là.

Découvrez plutôt celui-là. Et puis, vous me direz.

Ma miss de 14 ans a adoré, elle qui aime les histoires qui parlent de la réalité, et aussi les histoires écrites avec fantaisie.

On vous le conseille toutes les deux.

La reine sous la neige – François Place

C’est une histoire farfelue et tendre, follement originale… Une histoire impossible à résumer, aussi. D’ailleurs, François Place y a renoncé. On peut ainsi lire en quatrième de couverture :

Une tempête en plein ciel,
un avion dérouté,
un vol de portable,
un coup de foudre,
deux amoureux,
une reine morte,
un enfant perdu,
un tigre évadé du zoo,
une statuette de plastique,
une enquête impossible,
Londres sous la neige…

Ce qui est rigoureusement exact, et qui donne plutôt une bonne idée de l’ensemble… mais qui ne dit pas grand chose non plus.

Essayons, quand même…

Il est question, donc, de la reine. Pas n’importe quelle reine : la reine d’Angleterre. Elisabeth II, mine de rien (ou pas), va jouer un rôle essentiel dans cette histoire, sans qu’on entre jamais dans les couloirs du palais de Buckingham.

Mais cela commence dans un avion, parti d’Afrique du Sud pour rejoindre les Pays-Bas. Tempête de neige sur Amsterdam, sur toute l’Europe du Nord en fait, et l’avion est dérouté sur Londres. À son bord, Sam, une jeune fille de 18 ans qui traîne un sac à dos et quelques souvenirs douloureux, et qui se retrouve soudain un peu perdue, dans cette ville où elle ne connaît personne. Enfin, presque personne (et ça, vous le découvrirez en lisant l’histoire).

Au fil des pages, des inconnus vont lui tendre la main, et elle va tendre la main à des inconnus. Les choses vont dérailler et trouver des solutions inattendues. Et nous, lecteurs, nous allons faire connaissance avec une foule de personnages, originaux et attachants, dont les destins se croisent…

C’est farfelu et original, donc, créatif, un peu comme un conte de Noël zarbi qui se passerait au mois d’avril… En fait, ça ne ressemble à rien de connu, et c’est ça aussi qui est chouette.

J’ai passé un excellent moment à traverser ce livre, un peu déroutée au début – un roman ado, j’avais tendance à rechercher des codes… tout est allé mieux quand j’ai compris qu’il n’y en avait pas ! Je me suis parfois un peu perdue dans le fil des personnages – ne faites pas comme moi, ne plongez pas dedans à point d’heure après avoir enfin bouclé toutes vos tâches en retard, avec les yeux qui se ferment tout seuls !

J’ai fini le livre séduite par la brillante manière dont l’auteur clôt le roman en rejoignant tous les fils qu’il a tissés… d’une façon, elle aussi, follement originale (parce que, avouons-le, c’était un peu « casse-figure » cette histoire !).

Et je l’ai refermé avec la furieuse et étrange envie de décorer notre cheminée d’une petite reine en plastique qui salue de la main… le truc ultra-kitch, qui ne me ressemble pas du tout… ne dites rien à ma famille, svp…

Lectures d’été

Deux livres très différents dont j’ai envie de vous parler… Leurs points communs ? Ils étaient dans mon sac pour les vacances. 😉

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Vango, de Timothée de Fombelle : un grand (et gros) roman d’aventure, avec du mystère, des rebondissements, de beaux personnages… Il est écrit par Timothée de Fombelle et il n’y a pas besoin d’en dire plus : on sait qu’on va être embarqué, ému, dépaysé, qu’il y aura du sens, du suspens, de l’espoir…

On y découvre Vango, orphelin au passé mystérieux, échoué un jour sur une plage sur une île de Sicile, accompagné par une femme qui a tout oublié sauf qu’elle est sa nourrice, et qui parle l’italien, le français, l’anglais, le russe ou le grec… aucun indice sur leur pays d’origine, aucun indice tout court à part un mouchoir brodé…

On est à la fin des années 30, on fait le tour du monde en dirigeable, les uniformes nazis envahissent l’Allemagne, les jeunes femmes conduisent des voitures à toute allure sur les routes d’Écosse, quelques amis rêvent de maintenir la paix malgré tout… et Vango est poursuivi par des personnages mystérieux, qui veulent sa mort sans qu’il puisse comprendre pourquoi…

Ce premier tome s’arrête sur quelques révélations et encore plus de suspens.

Il a été dévoré très rapidement par mes deux miss de 16 et 13 ans, et leur frère de 11 ans va forcément adorer aussi ! Moi, je l’ai lu tout aussi vite mais je fais une pause entre les tomes – après avoir vérifié que le tome 2 commence par un petit résumé… idéal pour moi qui ne peut (presque) jamais enchaîner les tomes d’une même série.

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Kill the Indian in the child, d’Élise Fontenaille : un roman très court, percutant, sur un sujet très dur, inspiré d’une histoire vraie.

Au Canada, jusqu’au milieu des années 90, les jeunes indiens étaient obligés d’aller dans des pensionnats destinés à les « rééduquer », faire disparaître tout ce qui était indien en eux pour en faire de « vrais occidentaux ». J’avais déjà entendu parler de ces pensionnats, et des dégâts terribles qu’ils ont pu faire, créant des générations de déracinés, n’appartenant vraiment à aucun monde, sans repères… Je n’avais pas conscience par contre des sévices terribles qui avaient pu être commis dans ces établissements tenus par des religieux. Le livre nous les fait découvrir, aux côtés du jeune Mukwa (mais pas question de l’appeler comme ça, là-bas, ce sera « numéro 15 »). Et même si certaines choses sont suggérées, c’est très (très) dur…

C’est très bien écrit. La forêt, la vie sauvage, les murs du pensionnat, l’hypocrisie des uns, le sadisme des autres… On est plongé dedans, sans filtre. En même temps, une touche de fantastique vient transfigurer l’histoire, la rendre plus supportable et l’emmener sur un autre registre…

On en sort bouleversé et un peu sonné.

Un beau livre, à réserver aux adultes et aux ados les plus grands : ma miss de 16 ans l’a beaucoup aimé, mais je ne suis pas sûre de le proposer à sa sœur de 13 ans tout de suite… Même si elle a déjà entendu parler de sujets tout aussi difficiles, c’est autre chose de les lire décrits par des yeux d’enfant…

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Les lectures de vacances ne sont pas finies… je vais pouvoir aller reremplir mon sac ! 🙂

Une fille dans la foule – Charlotte Bousquet

C’est un petit livre glissé dans mon sac, juste avant de partir, sur les conseils de ma grande… Il n’avait pas l’air trop long, je cherchais une lecture facile… pourquoi pas ?

Finalement, il est passé de main en main pendant ces vacances où, décidément, on aurait dû prendre plus de livres (les belles heures de lecture, avant ou après la plage, au chant des cigales… le bonheur, quoi !).

Première surprise : c’est un livre illustré. Ou plutôt, c’est une histoire avec des dessins. Parce que Roxane dessine. C’est elle qui raconte, sa vie de lycéenne de terminale, sa meilleure amie qu’elle suit sans trop savoir où est sa place, ses questions, ses doutes…

Charlotte Bousquet la fait exister, vraiment. C’est une vraie ado d’aujourd’hui, dont les copains participent à des marches pour le climat ou militent sur internet. Mais c’est surtout une vraie ado tout court, qui ressemble à l’ado qu’on a été à une époque où il n’y avait ni marche pour le climat ni internet, à l’ado qu’on a gardé en nous, quelque part… Quelle est ma place dans le monde ? Qu’est-ce que je veux vraiment ? Qu’est-ce que j’ai en moi à exprimer, à faire, qui soit à moi et qui ne vienne pas des autres ?

Parce que ce n’est pas (pas vraiment) un livre sur le climat. Même si tout commence par une manifestation pour le climat… Ce jour-là, quelque chose arrive, qui casse, abîme, et va demander à Roxane de se reconstruire… L’histoire de Roxane est donc aussi l’histoire de ce chemin pour revivre, et (re)devenir soi.

J’ai lu ce livre d’un trait, le trouvant tellement plus juste que d’autres histoires d’ados que j’ai pu lire avant, loin des stéréotypes – c’est une vraie ado donc une vraie personne, et c’est sans doute pour ça qu’on peut s’y reconnaître, quel que soit notre âge…

L’alternance du texte et des dessins a un sens, ou plutôt, les dessins font partie du récit. J’admire l’auteur d’avoir su créer cet équilibre-là.

C’est un livre qui parlera aux ados, mais pas que, parce que quand on raconte la vraie vie, on peut toucher tout le monde… Et un livre tourné vers l’espoir (ça, ça fait du bien !).

Pour feuilleter le livre, c’est ici. 😉