Étiquette : Bande-Dessinée

Radium Girls – Cy

Lecture d’il y a quelques semaines, pas encore partagée… Une BD, sur une histoire vraie, d’une grande créativité visuelle… lue deux fois d’affilée : une première pour l’histoire, une deuxième pour revoir les images, être attentive aux détails…

Dans Radium Girls, on découvre les vies grandioses et minuscules de six femmes. Six copines, qui travaillent ensemble à l’usine URC. Nous sommes dans les années 20 et elles ne sont pas peu fières de ce travail bien payé qui leur permet le luxe de s’acheter un sandwich le midi et, surtout, d’être autonomes…

On plonge avec elles dans les années 20, la musique, le cinéma, les speak-easy et leur alcool de contrebande, et une certaine légèreté de vivre…

Quelques images, des couleurs en camaïeu, du crayon de couleur et on y est… Les petits détails des vêtements, du poste de radio, la musique qui sort des cases… dès les premières planches, un ton est donné. Et on devine que cette histoire ne va pas être si légère…

Parce que nous, on sait, contrairement aux femmes des années 20 pour qui le radium découvert depuis peu était un produit magique, anti-âge, le composant précieux d’une peinture qui brille dans le noir et qu’on utilise pour peindre les chiffres sur les cadrans des montres.

C’est leur travail, aux six copines. Un travail pas difficile mais méticuleux : il faut bien lisser le pinceau avant chaque prélèvement de peinture. Ça laisse un drôle de goût dans la bouche, mais ce n’est pas forcément désagréable…

On suit les six copines dans leurs petites histoires, les sorties à la plage, les potins… Chacune a sa personnalité, et c’est une des grandes réussites de l’album de les faire exister, de Mollie la délurée à Grace la militante, ou Edna plus réservée…

On ne vit pas au contact du radium sans conséquences, et la suite de leur histoire sera tragique… mais cette BD, c’est aussi réhabiliter les « radium girls », leur combat pour faire reconnaître leurs droits, les sortir de l’oubli parce qu’elles ont contribué à des avancées qu’elles n’ont pas vues mais qui ont changé sans doute des milliers de vies…

Je l’ai déjà dit, le travail de Cy, tout aux crayons de couleurs, est remarquable. Ce qui est drôle, c’est qu’au moment où je lisais la BD, je découvrais qu’elle faisait un cours sur Artesane sur… l’illustration à l’encre ! C’est une artiste aux talents multiples !

En tout cas, Radium Girls est une belle BD à découvrir… si vous ne l’avez pas lue à sa sortie, il y a un peu plus d’un an (on en a bien parlé à l’époque, à juste titre), n’hésitez pas !

(et n’oubliez pas de regarder la couverture dans le noir… j’dis ça, j’dis rien…)

France Culture a fait deux émissions sur cette histoire vraie. Une plongée dans l’époque, des entretiens avec des historiens, plein de détails en plus par rapport à la BD… Un voyage sonore à découvrir ici.

https://www.franceculture.fr/emissions/une-histoire-particuliere-un-recit-documentaire-en-deux-parties/radium-girls-12-des-femmes-lumineuses

Janvier féministe #2 – Le féminisme, par Anne-Charlotte Husson, Thomas Mathieu

Alors oui, je sais, nous sommes en février, alors « Janvier féministe »… mais euh, ma thématique de janvier, j’aurais envie de la continuer un peu… alors, par la magie des « on dirait que », commençons par « on dirait que le janvier féministe pourrait aussi se faire en février… » (pouvoir de l’imagination)

Cette deuxième lecture féministe de janvier, c’est ma fille qui me l’a faite découvrir… c’est le cadeau d’une de ses amies qui est la fille d’une de mes amies… une histoire filles (et d’amatrices de BD).

A priori positif immédiat, parce que c’est un tome de l’excellente collection La Petite Bédéthèque des Savoirs, dont le seul défaut est d’être dans un format vraiment petit (les illustrations mériteraient de plus grandes pages !). Le féminisme est l’un de leurs plus grands succès (signe des temps, comme je le disais en chroniquant ma lecture précédente…).

Ici, on ne va pas nous parler du féminisme mais plutôt des féminismes. Parce que loin d’être un mouvement uniforme, on a plutôt une mosaïque de mouvements, différents et parfois irréconciliables… Petit extrait, pour comprendre tout ça…

Petite remarque de forme : pour le coup, ce titre de la collection est totalement adapté à son format… très lisible, on plonge tout de suite dedans. Le dessinateur a vraiment fait un très beau travail pour rendre toutes les notions claires et visuelles…

Comme l’expliquent très bien les premières pages, on va découvrir les féminismes à travers des slogans… chacun permettant de découvrir un personnage, une idée, un mouvement… à travers les siècles, en en commençant par une féministe célèbre, Olympe de Gouges (rappelez-moi de lire sa biographie en BD par Catel, elle a l’air tellement super…).

(ma fille est fan de cette manière de la représenter qui défend ses convictions
même après la guillotine ! 😛 )

J’aurais pu vous mettre aussi « le privé est politique » ou « ne me libère pas, je m’en charge »… ou encore « White woman listen ! »

Tous les sujets sont abordés : féminicide, IVG, intersectionnalité… c’est donc un livre pour adultes ou pour grands ados qui ont envie de réfléchir. Il peut être une formidable ouverture pour un dialogue, même si (et peut-être surtout si) on ne se retrouve pas dans tous ces mouvements féministes.

Parce que c’est la diversité qui fait la richesse de cette petite BD, à mon sens – présentée d’entrée, elle laisse à chacun la possibilité de se faire ses propres opinions. Même si les auteurs ne restent pas sur la réserve – la notion de « continuité de genres et de sexualités » est ainsi présentée comme une évidence alors que pour ce sujet ô combien délicat, j’aurais préféré que le livre ouvre davantage à un échange, une réflexion (personnelle ou, plutôt, collective).

Quoi qu’il en soit, on sent bien combien ce sujet brûlant doit être abordé, pour lutter contre tous les préjugés, les haines, les discriminations et les petites et grandes humiliations ordinaires…

Comme le dit si bien une petite publication du Goethe Institut, parue elle aussi ces derniers jours… « Nein zu Diskriminierungen ! »

(petite dédicace à ma miss qui parle si bien allemand… mais les non germanistes auront décodé : non aux discriminations !)

Pour poursuivre, ou faire naître le dialogue, l’éditeur propose une exposition qui reprend des slogans et planches de la BD et finit par deux grandes pages à compléter avec ses propres idées… et vous pourrez aussi y découvrir les premières pages de la BD, et avoir (forcément) envie d’en lire plus !

La Médecin – Karine Lacombe, Fiamma Luzzati

Faut-il parler (encore) du coronavirus ?

J’ai lu cette BD il y a quelques temps, pas chroniqué tout de suite, et je me suis posé la question. On en parle tellement, du coronavirus… depuis un an, la pandémie rythme notre vie, envahit les nouvelles, et nous contraint (beaucoup)…

Alors, reparler de ce qui s’est passé il y a un an, de ce qui est devenu « la première vague », est-ce vraiment nécessaire ?

Je crois que oui.

Justement parce qu’on s’est tellement habitué. La Covid (on a même appris à dire la Covid), pour nous, c’est le masque qui nous embête, le couvre-feu, le confinement/déconfinement/reconfinement, les cinémas fermés, les commerces où on n’entre plus comme avant… On a un peu oublié ce(ux) à quoi (à qui) on pensait il y a un an : les malades, et les soignants qui se dévouaient, et qu’on applaudissait aux fenêtres…

Fiamma Luzzati est auteur BD. Karine Lacombe est infectiologue, soudainement devenue célèbre au moment de la pandémie. Cette BD, écrite ensemble, nous plonge dans la vie à l’hôpital au temps du coronavirus, auprès des médecins, mais aussi des infirmières, psychologues, voisins, et puis des patients, à travers le personnage fictif de Livia…

On (re)découvre à quel point tout le monde a été pris de court par ce virus auquel personne ne voulait croire… Il y a un an, quand on bavardait tranquillement de l’épidémie près de la machine à café, sans porter de masque…

Vous vous rappelez ? Ça paraît tellement surréaliste maintenant…

On redécouvre aussi l’arrivée de la maladie dans les urgences, ou plutôt on la découvre parce que, tranquillement confinés chez nous (et je pèse mes mots, même si mon « confinement tranquille » a été marqué par la maladie) on n’a pas vraiment mesuré ce que vivaient les soignants…

Alors, c’est un récit au jour le jour, un récit témoignage, avec un dessin sobre qui ne cherche pas à « faire joli » mais qui nous raconte, tout simplement.

Un récit qui met aussi en scène ce qui était précieux dans cette période et qu’on a aussi un peu oublié : la solidarité, l’humanité, l’attention aux autres… et le dévouement de tous ceux qui faisaient face, et le font encore, à l’hôpital.

Qui nous rappelle aussi que ce virus est complexe, retors, et tout sauf anodin…

Il se lit d’une traite, et laisse cette impression étrange d’avoir à la fois retrouvé des événements connus et de les découvrir pour la première fois.

Les auteurs ont accompagné la sortie du livre (au moment de la deuxième vague) par un blog, alternant les mots sensibles de Karine Lacombe et les dessins (extraits de la BD ou inédits) de Fiamma Luzzati – la dessinatrice poursuit aussi son travail autour du coronavirus sur son propre blog.

On peut ainsi lire d’un côté un beau témoignage sur « le Covid long » par Karine Lacombe, daté du 1er décembre. Et de l’autre, en écho, cet autre témoignage en BD, sur le blog de Fiamma Luzzati. Parlent-elles de la même personne ? Peut-être. Là encore, les regards des deux femmes se complètent, avec une même humanité, une même attention à l’autre…

Comme l’épidémie, leur travail à chacune se poursuit…

Maison Ronde – Charlie Zanello

J’aime la radio. Oh, je n’écoute presque jamais la radio en direct : ni les infos, ni la musique… mais j’aime les émissions de radio, parmi lesquelles je choisis des podcast, qui sont parfois des entretiens, des reportages, parfois des feuilletons…

La plupart du temps (presque toujours en fait), ce sont des émissions de Radio France.

Alors, forcément, cette plongée en BD dans la « Maison Ronde », celle qui abrite France Inter, France Culture, France Musique… ça m’intéressait.

Le bâtiment m’évoquait des souvenirs d’ancienne francilienne, aussi. Donc j’avais très hâte de la découvrir…

Précisons une chose tout de suite : pas besoin d’être francilien(ne), ni ancien(ne) ni actuel(le) (ces parenthèses, c’est l’enfer… mais bon, vous voyez ce que je veux dire, qu’on soit fille ou garçon, quoi !). Parce que cette BD m’a été recommandée par une collègue qui l’avait empruntée avant moi et qui, pour le coup, est 100% drômoise. Mais elle écoute la radio. Parce que la radio, ça nous réunit tous, non ?

Charlie Zanello est donc auteur de BD, et il part pour un an dans la Maison Ronde. Il nous explique tout.

Oui, bon, c’est vaste, la Maison Ronde… mais pas de panique, on va faire comme lui, on va la traverser au hasard des rencontres.

On part donc se perdre avec lui. Et c’est un bonheur de se perdre et de découvrir… L’enregistrement d’un feuilleton, la matinale, le Tour de France en direct (dans le véhicule qui suit/précède le Tour), les sous-sols, la bibliothèque secrète de Radio France, l’annonce des audiences, la grève, aussi…

Avec lui, on découvre les coulisses, tous ces métiers qui font vivre la radio…

Tous ces gens passionnés, sur lesquels il pose un regard toujours bienveillant, où l’humour se mêle toujours d’une pointe de tendresse… On découvre les coulisses telles qu’on a toujours rêvé de les voir, et plein de petites choses auxquelles on n’avait jamais pensé.

J’ai beaucoup aimé son regard, son dessin tellement vivant (d’ailleurs, ça se voit, je vous ai mis plein d’extraits !). D’ailleurs, c’est simple, j’aurais presque envie d’en mettre d’autres… mais autant vous donner le lien vers le site de l’éditeur, où vous pourrez découvrir les premières pages…

C’est un gros pavé aussi de 200 pages, qui se lit très vite, et donne envie de le partager. Pour tous les amoureux de BD, de radio, ou des deux…